Analyse des tensions au Mali: semaine du 27 au 30 avril 2015

 

Durant la dernière semaine du mois d’avril 2015, le Mali a connu une nouvelle séries de violences suite à la prise de la ville de Ménaka par les groupes armés pro-gouvernementaux. Perçue comme une « libération » par une grande partie de l’opinion publique et des acteurs politiques, la reprise de la ville aux groupes armés du MNLA a néanmoins provoqué une riposte éparses par les groupes rebelles dans plusieurs localités du nord du Mali. Mais ces actes de violence ne doivent pas faire oublier le reste de l’actualité des tensions au Mali que nous vous présentons donc ci-dessous. 

Analyse préparée par Oumar BERTE

Dans le domaine institutionnel

L’incertitude plane toujours sur le paraphe des accords d’Alger le 15 mai prochain malgré les efforts de la diplomatie algérienne, de la France, des États-Unis, des Nations Unies et des pays voisins du Mali. L’engagement arraché aux groupes armés de la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad) par les médiateurs pour parapher les accords le 15 mai 2015 semble en péril après la récente reprise des hostilités le lundi 27 avril 2015 entre groupes armés au nord du pays. La CMA estime être attaqué dans ces positions par le GATIA appuyé par les FAMA. Ce que dément le gouvernement par un communiqué de condamnation et provoque la colère du GATIA. Les attaques de Goundam et de Léré semblent être la riposte de la CMA après le revers de Ménaka. Ces récentes violences ont porté un grand coup aux efforts de la médiation.

Les facteurs déclencheurs

• 1FD3revendications autonomistes

– Tournure spectaculaire dans l’équation Nord du Mali : Le trio MNLA – HCUA – MAA devient le MPLA (article du 27 avril 2015)
La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) a annoncé la création du Mouvement Populaire de l’Azawad (MPLA) qui regroupera le MNLA, le HCUA et le MAA. Ce nom reprend celui du premier groupe armé indépendantiste du Mali qui avait lancé les offensives contre l’armée malienne en 1900. Le MPLA avait été dissout après les accords de Tamanrasset qui avaient été entériné par le pacte national en 1992. (lien)

– Ménaka : la MINUSMA demande à la Plate-forme du GATIA de quitter la ville (article du 26 avril 2015)
Les combattants du GATIA (Groupe d’Autodéfense Touareg Imghad et Alliés) proche du gouvernement de Bamako ont réussi à reprendre le contrôle de la ville de Ménaka au MNLA le lundi 27 avril 2015. Le GATIA rejette toute indépendance des régions du nord du Mali et s’oppose, par les armes, aux groupes rebelles indépendantistes. La bataille la plus sanglante et la plus meurtrière entre le GATIA et le MNLA s’est déroulée entre le 19 et 21 juillet 2014 à Tabankort dans la région de Gao.

Cependant, la prise de Ménaka du lundi 27 avril 2015 par le GATIA sur les forces du MNLA semble s’être faite en n’occasionnant qu’un nombre restreint de victimes.

Au lendemain des combats, la population de Ménaka, selon les organes de presse maliens, a manifesté son attachement à l’unité du Mali et célébré le départ des forces du MNLA. Cette situation fait peser une incertitude aux sujets de la signature des accords d’Alger prévue pour le 15 mai 2015, le risque étant que les groupes de la CMA se retirent alors que les combats ont repris au Nord.
Pour éviter d’endosser la responsabilité de l’échec des négociations, les groupes armés non gouvernementaux, le MNLA et le GATIA principalement, se rejettent mutuellement la faute de la reprise des hostilités. Le gouvernement malien, quant à lui, condamne la reprise des hostilités au nord du pays et nie tout implication dans les combats de Ménaka et la rupture du cessez-le-feu négocié par le président en exercice de l’Union Africaine de l’époque, le président mauritanien Mohamed Ould Abdoul Aziz. La reprise des combats de Ménaka est une violation grave de ces accords dont aucune partie ne veut assumer cette responsabilité au moment où on s’achemine vers un accord de paix entre le gouvernement malien et les groupes armés.(lien ) (lien),(lien), (lien), (lien)

Le nord du Mali connaît une reprise des attaques armées malgré la signature d’un accord de cessez-le-feu obtenu le 24 juillet 2014 par l’Union Africaine. Les violences du lundi 27 avril 2015 à Ménaka a précipité les choses. La région de Tombouctou qui vivait un calme précaire depuis plusieurs semaines renoue avec les violences par les attaques du 29 avril 2014 du camp de la garde nationale de Goundam et de Léré par des groupes armés. Les rebelles de la CMA ont reconnu les attaques de Léré mais sont plus silencieux sur celles de Goundam qui a fait trois morts dont une fillette. Ces attaques montrent la fragilité du calme qui régnait dans cette région. (lien), (lien)

Dans le domaine sécuritaire :

La police nationale du Mali est encore cette semaine au cœur des scandales. Le manque de transparences dans le recrutement des policiers expliquent ces scandales. Mais les bavures des semaines passées ne sont pas assimilables à celles qui se sont déroulée cette semaine. La bavure de Korofina à Bamako intervient suite au refus d’un chauffeur de minibus  de transport en commun   de s’arrêter pour un contrôle de police. Les policiers rackettent sur les
chauffeurs de ces minibus de Bamako. Dès lors si le chauffeur n’a pas envie de se faire racketter, n’hésite pas à refuser d’obtempérer au contrôle de la police.

Facteurs Amplificateurs

• 2FA1 Vulnérabilité des frontières

Titre : Patrouilles des FAMA sur l’axe Nampala-Diabaly et Dogofry : des assaillants arrêtés, plusieurs armes et munitions saisies (article du 24 avril 2015)
Les forces armées maliennes, après les attaques de la semaine dernière dans les zones autour de Diabaly ont multiplié les patrouilles le long de la frontière mauritanienne. Plusieurs arrestations et des saisies d’armes et de munitions ont été faites (lien).

• 2FA2 Augmentation des activités illégales et de la criminalité :

Titre : Un chef de village assassiné dans la région de Mopti (article du 24 avril 2015)
Après les régions du nord, les violences semblent se concentrer cette sémaine vers le centre du Mali (Mopti et Segou). Les attaques contre les civils et parfois contre les militaires se sont multipliées ces derniers mois dans la région de Mopti. Le 7 avril 2015, c’est le chef de poste forestier de Diafarabé dans la région Mopti qui a été assassiné par le même mode opératoire. Alors que les violences dans les régions du Nord Mali, ces dernières semaines, sont plutôt le résultat de tirs de mortier ou d’explosion de mines, celles commises dans les régions du centre relèvent plutôt d’actes de banditisme et d’assassinat ciblés commises par des hommes en armes circulant sur des motos. (lien), (lien)

• 2FA2 Augmentation des activités illégales et de la criminalité :

Titre : Attaques contre la MINUSMA : La série noire inquiète BanKimoon (article du 28 avril 2015)Les Nations Unies s’inquiètent de la montée des attaques contre les civils et la MINUSMA dans le nord du Mali. Au cours de la semaine du 20 au 26, cinq civils ont été tués dans des attaques de convoi de la MINUSMA. Dans la même semaine, 13 civils et 16 casques bleus de la MINUSMA ont été blessés quand des véhicules de transport ont sauté sur des mines. (lien)

• 2FA2 Augmentation des activités illégales et de la criminalité

Titre : Nouveau coup des FAMA : Le Chef du FPRD arrêté à Ouélessébougou(article du 27 avril 2015)

Les FAMA ont arrêté le chef d’un groupe armé non gouvernemental (Front Pour la Restauration de Dignité FPRD) à Ouélessebougou dans la région de Koulikoro à 65 de km de Bamako. C’est un nouveau
groupe armé qui visiblement venait de naitre. Il était commandé par un gendarme touareg à la retraite et qui vivait dans cette localité. Cette arrestation fait suite à l’interpellation de 29 personnes détenant des armes et du matériel de guerre le 20 avril dernier dans la région de Gao.(lien)

• 2FA2 Augmentation des activités illégales et de la criminalité

Titre :Un véhicule MINUSMA saute sur une mine : sept Casques Bleus blessés (article du 27 avril 2015)
Le 24 avril 2015, un véhicule de la MINUSMA a sauté sur une mine dans la région de Gao, en proie actuellement à une série d’attaques dirigées contre les forces des Nations Unies dont plusieurs ont été revendiquées par le groupe El-Mourabitoune de Mokhtar.(lien)
Titre :Le véhicule du préfet du cercle de Youwarou a heurté dimanche dernier une mine le dimanche 26 avril 2015. . (article du 29 avril 2015)

La série d’attaques et de violences contre l’État, ces représentants et les personnes accusées de collaborées avec l’État continue dans la région de Mopti. Les attaques de ce genre se sont multipliées dans cette région. Ces attaques sont attribuées au Mouvement National de Libération du Macina. (lien)

Titre : Goundam : Deux militaires et un enfant tués dans une attaque (article du 29 et 30 avril 2015)

Le nord du Mali fait toujours l’objet d’attaques malgré la signature d’un cessez le feu obtenu le 24 juillet 2014 par l’Union Africaine. L’armée malienne peine à protéger la population malienne. La région de Tombouctou avait connu un calme précaire depuis plusieurs semaines jusqu’à cette attaque contre le camp de la garde nationale de Goundam.(lien), (lien)

Titre : Commissariat de police de Nioro du Sahel : Des policiers volent le coffre-fort (article du 27 avril 2015)
La police malienne est fréquemment impliquée dans des scandales de corruption et de détournement de fonds. Mais des policiers impliqués dans un vol de biens du commissariat en bande organisée est un fait très inquiétant pour les populations et pour les pouvoirs publics. (lien)

Titre :Boulkassoumbougou: Un policier tire sur
une Sotrama (article du 27 avril 2015)

Les bavures policières se succèdent au Mali depuis quelques mois. Le 3 avril, la police a tiré sur le gérant d’une boulangerie à bord d’un véhicule non immatriculé qui est décédé de ses blessures. Pour apaiser les esprits, le Premier Ministre accompagné du ministre de la sécurité et celui de la défense se sont rendus aux obsèques de la victime dans un quartier périphérique de Bamako.
Le 10 avril, une bavure de la police à Sido Sokourani dans la région de Ségou avait fait 1 mort et 5 blessés à la suite l’intervention de la police dans une manifestation d’opposition de la population à la construction d’un bâtiment appartenant à un député sur une parcelle que la population estime publique.(lien) 

 

Dans le domaine de la fragilité des écosystèmes :

Cette semaine a été marqué par une bonne nouvelle dans la création d’entreprise au Mali. Le gouvernement malien a adopté des mesures cette semaine lors de son traditionnel conseil des ministres du 29 avril 2015, une mesure de facilitation de la création des sociétés à responsabilités limités (SARL). Le capital social minimum d’une SARL au Mali était d’un million de francs CFA au moins conformément aux directives de l’OHADA (organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique) et du règlement du commerce et du crédit mobilier du Mali (RCCM). La mesure prise par le gouvernement laisse le choix aux futurs associés d’une SARL qui pourront décider le montant du capital social selon leur choix. Ce qui va sans nul doute faciliter la création d’emploi au Mali

Dans le domaine social

Cette semaine a été marqué par une large implication de la société civile dans l’instauration de la paix. La société civile s’implique surtout pour l’unité du pays dans la paix. Mais c’est surtout les acteurs de la société civile du nord du pays grands concernés par cette vague d’insécurité qui s’est beaucoup fait remarquée. La société civile semble être la plus capable de convaincre la population actuellement. Ce qui est totalement paradoxal car la société civile n’a pas été convié aux discussions d’Alger.

Le cadre social au Mali a connu également cette semaine une grande innovation. En effet le conseil des ministres du mercredi 29 avril 2015 a adopté de vastes mesures sur les allocations familiales pour janvier 2015 (3500F cfa par enfants) et janvier 2016 (4000F cfa par enfant) contre 1500F précédemment. Le conseil des ministres de ce même jour a relevé le SMIG mensuel de 35000 F pour janvier 2015 et 40000 pour janvier 2016 contre 28000F depuis 2004. Le gouvernement a aussi procédé à l’augmentation salariale des fonctionnaires contractuels du Mali qui relèvent du code du travail. L’ensemble de ces mesures adoptées par le gouvernement a un effet rétroactif à compter du 1er janvier 2015. Le relèvement de ces allocations familiales, du SMIG mensuel, du taux d’indice salarial et du salaire des  fonctionnaires contractuels de l’état aura de lourdes conséquences sur le budget 2015 déjà voté par l’Assemblée nationale en octobre2014. On se dirige donc vers la modification de la loi budgétaire de 2015

Titre : discussion à Bamako entre des
cadres du nord du pays(article du 27 avril 2015)
Plusieurs personnalités représentants les notables, les chefs traditionnels et coutumiers du nord du pays et de la région de Mopti se sont retrouvés à Bamako pour parler de paix. Ces discussions entre communauté du sud, du centre et du nord pourront faciliter la signature officielle des accords annoncée pour le 15 mai. Elles pourront également faciliter la mise en œuvre de ces accords après leurs signatures. Au cours de leur rencontre, ces représentants ont parlé de paix havre des maliens actuellement. (lien)

Titre :Vulgarisation de l’accord pour la paix et la réconciliation : Caritas Mali joue sa partition (article du 27 avril 2015)

La société civile malienne s’implique activement dans la résolution de la crise politico-militaire du Mali. Cette action s’inscrit dans la sensibilisation de la population sur les accords de paix d’Alger qui sont rejetés par une grande partie de la population ( 48 % pour et 38 % contre :sondage Institut de sondage Guissé du 23 avril 2015).(lien)

Titre : Initiative patriotique pour le Mali : Supplanter la redoutable communication des groupes armés

Les personnalités politiques composées de cadre de la fonction publique de l’État, d’anciens ministres et de députés ressortissants des régions du nord du Mali et de Mopti se mobilisent pour préserver l’unité du pays. Regroupés au sein du COREN (Collectif des Ressortissants du Nord), ces personnalités ont adopté une nouvelle stratégie de communication et de sensibilisation des populations par la mise en place de l’Initiative Patriotique du Mali.(lien)